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P2H : Les finances d’un joueur pro

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Pierre-Hugues Herbert (alias P2H) est un jeune joueur de tennis professionnel et sérieux espoir du tennis français. Dans chaque numéro, il nous fait vivre le  haut niveau de l’intérieur et  nous parle de son quotidien.

LES FINANCES D’UN JOUEUR PRO

“L’argent, c’est le nerf de la guerre”, c’est bien connu. Et aujourd’hui, avec le recul, je me rends encore mieux compte du travail qui a été fait pendant les premières dures années de mon projet, et au sein d’une famille aux revenus plutôt modestes. L’aventure du très haut niveau a commencé pour moi à l’été 2004. C’est à cette date que mon père a quitté son emploi de prof en club et que nous sommes partis sillonner tous les deux l’Europe puis le monde entier pour que je gravisse un à un les échelons du tennis Junior, puis du circuit ATP. Cette folie aura coûté jusqu’à aujourd’hui la bagatelle de 450 000 àl. Et ça fera donc bientôt 10 ans que ça dure… Et ça ne fait que 4 ans que je suis professionnel, et donc capable de gagner de l’argent, ce que j’ai heureusement réussi à faire progressivement. 

Oui, c’est un long et dur chemin qui a demandé énormément de sacrifices familiaux. Les premières années, on tirait le diable par la queue. On ne savait jamais à quelques semaines près si on aurait les moyens financiers de partir jouer le prochain tournoi. Le but était d’être présent “pour se faire les dents” sur les plus gros rendez-vous européens ou mondiaux -14, -16 et -18 ans. Des tournois “amateurs” où bien sûr je ne gagnais pas d’argent. Il aurait sûrement était plus simple financièrement pour moi d’intégrer à l’âge de 13 ans la fédération, qui prend en charge la plus grande partie des frais d’un joueur en devenir, mais nous avons pris le risque pour mon équilibre personnel de rester sur Strasbourg, près de ma famille et de poursuivre une scolarité que j’avais déjà entamée dès 8 ans en Allemagne. Nous vivions donc des subventions et de la générosité d’autres donateurs privés qui maintes et maintes fois nous ont sauvé la mise financièrement pour pouvoir continuer d’avancer dans le projet. 

Mais comment on est arrivé à quasiment 500 000 € de frais et qui a financé ça ?

Les frais, on peut les diviser en 2 parties. Ce qui coûte le plus cher, ce sont bien sûr les déplacements. Je parle des billets d’avion, hôtels, restaurants, et autres menues dépenses comme les cordages, le linge, les massages par ex.. Les «frais de compétition» représentent à eux seuls 65% des charges (environ 300K€). Les 35% restant (150K€), ce sont les frais d’encadrement qui, de mon coté, ont toujours été réduits au «minimum syndical» puisque mon coach de père est payé au SMIC, et que ne viennent lui prêter ponctuellement main forte qu’un entraineur physique et un kiné, des professionnels compétents qui ne peuvent malheureusement que très rarement m’accompagner en tournoi. Ceci explique pourquoi j’ai souhaité cette année me rapprocher de la FFT afin d’étoffer un peu mon «staff». 

Sans remettre complètement en cause mon fonctionnement de base, j’y intègre désormais un groupe et profite donc partiellement des structures haut niveau fédérales. Côté ressources, impossible pour ma famille de prendre en charge toutes les dépenses. Certes l’auto-financement s’est monté à 175 000 € (38%), mais là-dedans entre en ligne de compte pour beaucoup ma propre participation depuis 2 ans que je génère des gains sur le circuit. Les 1ères années du projet, le coût était essentiellement assumé par le biais de dons, et au fil du temps les rentrées globales sponsoring (mécénat + parrainage) se sont élevées à 93 000 € soit 21%. Les 41% restant ont été financés par tous les différents organes de la FFT que sont la DTN (14%), la Ligue d’Alsace (9%) et mon club le TC Strasbourg (5%), ainsi que par les autres partenaires institutionnels type collectivités locales pour 13% (Etat, Région Alsace, CG67, Ville de Strasbourg). Cet investissement m’a permis pour la première fois en 2013, après 9 ans de carrière, de dégager des recettes excédentaires par rapport à mes frais. Grâce à mes gains sur le circuit ATP, j’ai pu couvrir l’ensemble de mes charges et ce sont les extras (matches par équipes) qui m’ont permis de finir l’année sur un bilan positif. 2014 s’annonce sous de meilleurs auspices encore. 

Des sponsors privés ont décidé de me soutenir (Hôtels RES, Volvo) et mon «prize money» est plutôt en hausse en ce début de saison. «Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage» comme dit la citation de La Fontaine que mon père m’a répétée à maintes reprises. 

En espérant que dans le futur cet effort de longue haleine puisse être largement récompensé, pour mon bonheur perso, mais aussi pour celui du public.