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David Goffin vu par son coach Thierry Van Cleemput

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La réussite de David Goffin, n°ー1 belge et désormais n°ー10 mondial à 26 ans, est aussi celle de Thierry Van Cleemput, son coach unique et à temps-plein depuis 2014, depuis bien plus longtemps à l’AFT de Mons. Sans se fixer d’objectif précis, l’entraîneur entend aider son joueur à poursuivre sa progression.

Comment avez-vous vécu l’accession au Top 10 de David Goffin, après sa finale à Sofia ?

Pour moi, il s’agit simplement d’une constatation, d’un “ranking” à un moment donné. Pas plus. D’autant que ça va être de courte durée car l’avance de David sur le 11e au classement ATP est réduite (ndlr : la semaine du 20 au 26 février, Goffin comptait 3245 points contre 3230 à Jo-Wilfried Tsonga). Et également parce qu’il va avoir beaucoup de points à défendre à partir de mars puisque l’an passé, il avait atteint les demi-finales dans deux Masters 1000 : à Indian Wells puis à Miami. Donc j’ai reçu beaucoup de félicitations ces temps derniers sur mon téléphone, mais pour moi, cette 10e place reste symbolique. On a quand même l’impression que votre joueur progresse d’année en année et de façon presque linéaire. C’est le rêve de tout entraîneur non ? On peut le voir comme ça (rires). Alors bien sûr que cette progression me fait plaisir, mais de l’intérieur je sais que rien n’a été facile, que ça n’a jamais été un long fleuve tranquille. C’est tout simplement David qui a été bon, à l’entraînement et sur le court, mais ça n’est pas le fruit d’une méthode particulière. Et peut-être qu’à un moment, il atteindra un plafond. La philosophie de la maison, c’est de chercher un niveau de jeu et une attitude, ce qui en principe peut permettre d’obtenir de bons résultats, même si ça ne garantit rien. 

Mais jusqu’où David peut-il aller ?

Je n’en ai pas la moindre idée. Peut-être va-t-il améliorer son niveau de jeu et son attitude pour se retrouver 18e mondial car dans le même temps, les autres joueurs du circuit auront plus progressé. Et dans les conversations de bistrot, on dira : “David est nul, il a régressé !” ou il faut virer son entraîneur, il n’y connaît rien !”. Chaque année, nous nous sommes fixés des objectifs : rentrer dans le Top 50 puis dans le Top 30. Depuis 2014, David a remporté deux titres, disputé six finales, atteint deux quarts de finales en Grand Chelem. C’est déjà pas mal. Est-ce que la suite c’est de gagner un ou plusieurs ATP 500 ? D’aller en finale d’un Masters 1000 ou en demi-finale d’un Grand Chelem ? Je ne suis pas devin. Mais ce que je constate, c’est que quand un gars comme Roberto Bautista-Agut arrive en finale du tournoi de Shanghaï l’an passé, il faut que tout se goupille bien : qu’il joue son meilleur tennis, que ses adversaires comme Djokovic soient dans une moins bonne période. Donc ce genre de performance reste difficile à prévoir. Mais si on répète les bons résultats, en allant régulièrement en quarts ou en demi-finales des gros tournois, on peut espérer que ça passe un jour. Après, est-ce que la zone de confort de David se situe entre la 15e et la 20e place mondiale ? Entre la 5e et la 10e ? Je ne sais pas. 

Rentrer dans le Top 5, c’est possible à terme ?

Si j’avais la formule magique pour l’y installer, je l’utiliserais, mais malheureusement, à part le faire beaucoup travailler, je ne vois pas. Et en même temps, quand Novak Djokovic a longtemps été n°ー3 mondial derrière Federer et Nadal qui aurait parié sur la suite ? Pareil pour Andy Murray que certains qualifiaient de “meilleur n°ー4 mondial de l’histoire” derrière le fameux trio ? C’est ce qui est merveilleux dans le tennis, on ne peut rien prévoir. Aujourd’hui, Milos Raonic est n°ー4 mondial. Que doit-il faire pour aller plus haut ? Servir encore plus fort ? Moins rater en fond de court ? Améliorer son revers ? C’est sûr. Mais même s’il fait tout cela, il trouvera toujours en face de lui des relanceurs d’exception comme Djokovic et Murray, capables de semer le doute dans son jeu. 

Dans quels domaines David peut-il progresser ?

Il y a parfois une perte de lucidité quand il ne trouve pas la solution, dans certaines situations, il peut “s’aigrir” un peu. Sur le plan physique, je le trouve performant, il ne va pas se mettre subitement à grandir, on ne va pas lui faire prendre des kilos, mais il faut qu’il continue à ne pas se blesser pour garder cette permanence au haut niveau, et qu’il gagne un peu en souplesse. Sur le plan technique, je trouve que son service s’améliore mais rien n’est acquis. Il peut encore mettre plus de slice dans la balle. 

David Goffin est-il un joueur facile à entraîner ? 

Je pense que ça ne s’évalue pas en ces termes. Si vous me demandez quel est son caractère, je vous réponds que David est quelqu’un de positif, de travailleur, qui sait rester calme même si parfois en Belgique on lui reproche d’être un peu trop plat. Après tout dépend du moment, de ce qu’on lui propose. Si un entraîneur arrivait et demandait à David d’être plus offensif, de faire service-volée par exemple, il y aurait sans doute des réticences au début et ce coach trouverait David dur à entraîner. Tout ce que je peux dire, c’est que nous avons des relations extraordinaires, très anciennes et qui vont bien au-delà du sport.