La fabrication des cordages multifilaments
C’est tout au nord, dans un village coupé en deux par la frontière franco-belge (à Wervicq) que se loge un savoir-faire unique au monde, hérité d’une longue tradition industrielle de la fileterie. Dans les usines de Cousins Frères, on y fabrique des fibres techniques pour des usages aussi variés que le médical ou les cordages de tennis.
Créée en 1979 en partenariat industriel avec Cousins Frères, la marque française Tecnifibre s’impose depuis comme le spécialiste du cordage, notamment leader sur le segment des multifilaments. TennisAddict est allé à la découverte de ce process de fabrication, auquel on doit les mythiques ” X-One, TGV, NRG2 ” ou encore le nouveau, le ” HDX Tour “.
1. La matière première
Deux ingrédients : le fil et le polyuréthane.
L’usine consomme 20 tonnes de fils par an provenant principalement d’Allemagne et d’Italie. Livré en grande bobine, le fil est reconditionné en petites bobines.
2. Le procédé : l’imprégnation sur fibre
L’usine (25 personnes) est équipée de 84 machines pouvant accueillir de 7 à 11 bobines en fonction de la jauge (= le diamètre) souhaitée (de 1.10 à 1.40 mm).
Chaque fil est imprégné individuellement de résine de polyuréthane (PU). C’est la grande différence avec les usines concurrentes qui tressent toutes les fibres avant de passer l’ensemble dans un bain de coating, les fibres n’étant alors pas toutes imprégnées, le collage moins bon et la durée de vie moins importante. La résine comprend du solvant et du polyuréthane.
Sur quels paramètres peut-on jouer ?
– On peut mixer les fibres dans la corde (polyamid /polyester).
– On peut colorer la résine.
– On peut jouer sur la torsion de la corde (vitesse du plateau).
– On peut jouer sur la tension des fils.
Ainsi, le TGV est 100% en polyamid (plus souple et plus élastique), alors que le Duramix HD est un mélange 50% polyamid / 50% polyester (plus ferme).
La différence entre un TGV et le dernier né, le HDX Tour, ne vient pas de la fibre, mais du travail sur la résine, qui permet de conférer un toucher plus ferme et plus de contrôle, pour se rapprocher du toucher des monos tout en gardant les points forts des multis.
3. Elimination du solvant, fusion du PU et lissage.
Le moulinet met de la torsion dans le cordage. La corde est granuleuse et ondulée. Elle passe ensuite dans un four à 250°ーC, pour éliminer le solvant et fondre le PU qui va fusionner avec les autres cordes imprégnées. Elle passe en sortie via une filière en téflon qui va lisser le PU et lui donner son aspect final.
Une machine produit 50 mètres de cordage par heure, soit 3 cordages/heure. En comparaison, une ligne de production de monofilaments produit 50 mètres par minutes, 60 fois plus. C’est ce qui explique en partie la différence de prix (les multis sont plus chers que la plupart des monos).
4. Packaging
En sortie de chaîne, le cordage est ensuite packagé en garnitures de 12m ou en bobines de 100 ou 200m par un automate ou par du personnel qualifié.
5. Contrôle qualité
S’appuyant sur son laboratoire en interne, Tecnifibre surveille de nombreux paramètres. A noter : en appliquant une charge de 300 Newton, l’allongement est de 20 mm pour un mono et de 40 mm pour un multi, ce qui confirme qu’un multi est plus élastique et tonique (plus de puissance) qu’un mono qui va en revanche apporter plus de contrôle et de durée de vie.
6. Le test ultime : Patrice Kuchna, the human machine.
Nous avons ensuite assisté au test de destruction des cordages réalisé par Patrice Kuchna, baptisé ” the Human Machine “.
Patrice reproduit selon un protocole bien précis des centaines de frappes ultra-liftées avec une raquette au très grand tamis, amenant les cordes jusqu’à la casse.
Patrice en quelques chiffres, c’est :
– L’ancien 124e joueur de l’ATP (en 1984). “Moi mon tennis, c’était de courir comme un lapin et de mettre des grands sacs liftés !”
– Un mauvais cordage casse après 70 frappes, 100 pour un cordage résistant. “Au-delà, la longévité est énorme”. (ndlr : le nouveau HDX Tour a cassé après 135 coups).
– Une séance c’est 600 coups à pleine intensité, soit environ 1 heure d’effort. “Au-delà de 1000 coups, je mets ma santé en danger”.
– Des milliers de cordages cassés pour Tecnifbre. “Mais je crois que j’en ai perdu le compte après 20 années (rires)”.
Photo : TennisAddict