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Agassi. Ne brûlons pas l’idôle

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Après avoir été le symbole de la jeunesse rebelle, Andre Agassi semblait rentrer dans le rang. Son come-back et sa victoire à Roland Garros forçaient le respect du public avec lequel il communiait après chaque victoire, en distribuant des baisers aux quatre coins du stade. Devenu père de famille et directeur d’une école dans un quartier défavorisé de Las Vegas, la vie du Kid ressemblait presque à un scénario hollywoodien.

Et puis arrive OPEN, an autobiography by Andre Agassi, et tout se brouille. Perruque, prise de métamphétamines durant une grande partie de l’année 1997 et surtout haine viscérale du tennis…Un autre homme semble se dessiner. Au point que ses fans se demandent si l’ouvrage n’a pas cassé ” le mythe “.

Mais qu’a-t-il dit de si troublant pour mériter une telle vindicte ?

Beaucoup lui reprochent ses révélations sur le dopage. L’agacement de certains joueurs, soumis aujourd’hui à de nouvelles réglementations plus strictes et sur qui le livre jette le doute, est somme toute compréhensible.

Mais ce qu’on y apprend & qu’Agassi a été blanchi en interne, en envoyant une simple lettre dans laquelle il ment en affirmant avoir pris du ” crystal meth ” par erreur en buvant dans la bouteille de son assistant toxicomane – s’ajoute à un faisceau de rumeurs selon lesquelles le monde du tennis règle ses affaires de dopages en famille, dans l’opacité la plus totale.

Regretter ces révélations revient à penser que le tennis est plus blanc que blanc ou que la vigilance à laquelle nous invite son ouvrage est inutile.

Présentée comme une échappatoire pendant une période de dépression plus qu’une pratique destinée au dopage, au cours de cette catastrophique année 1997 qui l’a vu tomber au 141eme rang mondial, l’aveu de la prise de drogue, aussi condamnable qu’il soit,  peut encore susciter l’indulgence.

Haine du tennis

Plus surprenantes, les critiques qui reprochent à Agassi d’avoir craché dans la soupe et renier ce sport qui lui a tout donné. Elle émanent de personnes qui n’ont vraisemblablement pas lu le livre.

Car une lecture seulement partielle suffit déjà à comprendre le dégoût viscéral de l’Américain pour le tennis. Un sport que lui a imposé dés l’âge de six ans et à raison de quatre à cinq heures par jour un père violent qui pensait que le tennis était ” le chemin le plus court vers le rêve américain “.

Il raconte qu’il devait battre une machine à lancer les balles, bricolée à partir d’une souffleuse et qu’il appelle le ” dragon “. ” Je dois rattraper chaque balle à la volée sinon elle rebondit au-dessus de ma tête. Mais cela ne suffit pas à mon père. ” Frappe plus fort, hurle-t-il. Frappe plus fort. “, se souvient l’ancien numéro un mondial. Le jeune Agassi doit renvoyer 2500 balles par jour pour atteindre le million en une année et devenir ” imbattable “.

Poussé par son père jusqu’à intérioriser sa volonté, il n’a pas l’occasion de formuler ses propres aspirations, qui ne le portent pas vers le tennis. Des ambitions opposées germent alors en lui. À tel point qu’à 16 ans, deux ans après avoir quitté l’école, il appelle son père avant d’encaisser son premier chèque de joueur professionnel, hésitant : ” Tu as une éducation rudimentaire. Qu’est-ce qu’il te reste comme choix ?, lui répond son père. Qu’est-ce que tu pourrais bien faire d’autre ? Devenir médecin ? “.  Agassi réalise alors ce qu’il sait depuis déjà longtemps, qu’une seule voie s’ouvre devant lui : passer pro.
Et c’est seulement à partir de 1997, au plus profond de la dépression et au plus bas dans le classement qu’il choisira de vivre du tennis ” pour lui ” et de faire autre chose en créant sa fondation et son école.

Un message fort adressé à tous ceux qui peuvent avoir envie de mettre une raquette dans les mains de leur enfant pour en faire un champion.

Parcours initiatique

Certes, on peut regretter certains mots durs à l’encontre de ses adversaires. Notamment ” le manque d’inspiration ” ou encore l’image du perroquet qu’il attribue à Pete Sampras, décrit également comme pingre et à l’opposé de lui-même.

Mais ils rappellent qu’Agassi se livre, quitte à montrer ses traits les plus profonds, comme son hypersensibilité et une mémoire infaillible. ” Je n’oublie jamais “, affirme celui qui prétend se souvenir de tous ses matchs, des frasques de son pire ennemi, Boris Becker, qui envoyait des baisers à Brooke Shields, et que Jeff Tarango a triché quand “ls avaient huit ans…

Le prix à payer pour donner une image de lui en adéquation avec son vécu, sa vérité. Une connexion avec les médias perdue dès le début de sa carrière. Considéré comme ” un rebelle sans cause “ alors qu’il cherchait sa propre identité, parfois à travers certaines extravagances, puis adulé comme un champion respecté alors qu’il mentait sur son amour pour le sport et cachait son contrôle positif.
Tout un symbole, lorsqu’il rentre au vestiaire après son dernier match à l’US Open et voit Connors, qu’il n’estime guère, il lui reconnaît cependant cette qualité : ” la cohérence “.

C’est ce qu’a cherché Agassi dans Open. Etre cohérent avec lui-même et présenter sa vie comme une véritable quête initiatique. De l’ascension à la chute, de la traversée des ténèbres à la lumière finale où il devient maître de son destin et des ses choix.

L’ère du soupçon

Cela valait-il le coup ? Bien sûr, il est difficile de connaître les traces que laissera l’ouvrage sur l’image d’Agassi, sa carrière, son époque. Cela ne changera peut-être pas grand chose à tout ce qu’il a apporté au tennis, tant sur le plan technique que sur celui des émotions qu’il a fait vivre à tous les passionnés. Cette introspection et son regard sur son destin d’enfant star, sa vie, son analyse du monde du tennis vu de l’intérieur n’entameront sans doute pas sa légende. Certains passages y rajoutent même, dans ce livre bien écrit, comme la description du joueur de tennis ” tellement solitaire “, le seul qui ” se parle à soi-même “, comparé à un boxeur qui ne peut toucher son adversaire, ni parler à ce dernier ou à son coach.

Mais à vouloir donner une cohérence à sa vie, certains se demanderont cepend