Fred Perry, rebelle à son époque
Derrière le créateur du polo piqué coton, caractérisé par une structure en nid d’abeille qui le rend confortable et adapté au sport de l’époque, se cache une figure atypique. Celle d’un joueur d’exception, premier tennisman à avoir réalisé un grand chelem en carrière (1935) et dernier britannique à avoir remporté wimbledon. Grand joueur doté d’une prise de balle très précoce et d’un mental d’acier, fringant, playboy et opportuniste, pour le comprendre il faut aussi mentionner son origine sociale : celle de la classe ouvrière anglaise du début du siècle dernier.
Né en 1909 à Stockport près de Manchester, le joueur est fils d’un fileur de laine engagé en politique. L’histoire raconte qu’à l’âge de 16 ans, en vacances à Eastbourne lors d’un tournoi, il remarque les voitures luxueuses qui bordent les courts. Spontanément, il demande à son père à qui elles appartiennent. « Aux joueurs », lui répond ce dernier. Fred Perry annonce alors qu’il sera champion de tennis.
La suite est connue. Trois victoires à Wimbledon et à l’US Open, une carrière pro à partir de 1937, l’achat de parts dans le Beverly Hills Tennis Club où il donnera des cours à des stars d’Hollywood comme Charlie Chaplin, etc. Mais en dépit de son palmarès, Fred Perry fut pris de haut par la hiérarchie du tennis et méprisé par la Lawn Tennis Association en Grande-Bretagne. « Pas l’un des nôtres », murmura un jour son président au père du joueur. L’anglais sera perçu comme un parvenu, dont la volonté de gagner à tout prix ne respecte pas les codes de conduite établis.
Expressif, Fred Perry avait l’habitude de bondir par-dessus le filet pour donner l’accolade à son adversaire en fin de rencontre. Considérant le tennis comme un spectacle autant qu’une affaire de compétition, il voulait en donner aux spectateurs pour leur argent. Une mentalité de working-class diront certains, peu appréciée des snobs. Qu’importe pour le champion. « Je me suis décidé très tôt à ne pas me laisser faire, déclarera-t-il un jour. Si on m’imposait une interdiction, je trouvais un moyen de la contourner. L’obstination était l’une des mes spécialités et la vengeance n’a jamais été contre mes principes.»
DES MODS À BLUR EN PASSANT PAR MADNESS
L’histoire de son polo incarne ses deux mondes qui s’affrontent. L’esthétique élitiste et classe et la mode populaire chic et branchée.
Après avoir été adopté par 90% des joueurs dans les années 50 et 60, des citadins s’approprient le vêtement : les « Mods », du nom donné à une partie de la jeunesse anglaise, urbaine, populaire et hédoniste, dans les années 50. Tout un mouvement de mode caractérisé par un style de vie festif, inspiré de la Dolce Vita (déplacement en scooter), l’attention porté à la danse et un style ultra-chic. Le Polo Fred Perry, souvent fermé jusqu’au dernier bouton, leur confère un look impeccable.
À travers les décennies suivantes, le célèbre polo sera remis à la mode par de nombreux groupes sociaux ou musicaux. Fred Perry devient le vêtement fétiche des Rude Boys, des jeunes d’origine jamaïcaine, fans de Motown et de Bob Marley.
Au début des années 80, le polo est ensuite associé au mouvement Two Tone dont Madness est l’une des figures emblématiques. Au-delà de leurs paroles à dimension politique, ces groupes issus de la working-class avaient aussi envie de désacraliser le mythe de la pop star.
La marque aux lauriers est également reprise par les stars, plutôt bad boys, de la Britpop des années 90. Liam Gallagher d’Oasis ou Damon Albarn, chanteur de Blur et Gorillaz, en tête de file, arboreront le fameux polo.
« CHACUN S’APPROPRIE LE LAURIER À SA FAÇON, SELON SA PROPRE HISTOIRE »,
analyse Mathieu Bremond, responsable des ventes pour Fred Perry France. « D’un côté les clients club avec un vestiaire plus preppy, et de l’autre, les mods, les musiciens se retrouveront dans la personnalité plus atypique et populaire du champion »
HISTORIQUE
Le logo, la couronne de lauriers, symbole brodé à l’origine sur les tenues de Coupe Davis de l’équipe anglaise.