Guy Forget : “Nadal grandissime favori!”
GUY FORGET
” Nadal grandissime favori”
LE DIRECTEUR DE ROLAND-GARROS MAIS AUSSI DU TOURNOI DE BERCY FAIT LE POINT AVANT L’ÉDITION 2018 : STADE EN ÉVOLUTION, RAFAEL NADAL EN FAVORI, FRANÇAIS DANS L’INCERTITUDE MAIS AUSSI RÉFORME DE LA COUPE DAVIS, L’ANCIEN N°4 MONDIAL N’ÉLUDE AUCUN SUJET.
Comment s’annonce l’édition 2018 ? Quelles en seront les nouveautés ?
Le grand challenge puisque nous sommes sur un cycle de 3-4 ans de travaux, c’est d’accueillir les spectateurs dans les meilleures conditions. Car nous allons encore recevoir 500 000 personnes au cours de la quinzaine. Or comme nous faisons évoluer le stade, il faut faire sortir les ouvriers le temps du tournoi et créer le moins de gêne possible. Mais c’est passionnant. D’autant que pour la première fois, le public va avoir un avant-goût de ce nouveau Roland-Garros puisque les premières nouveautés seront visibles : avec le tout nouveau court du Fonds des Princes (ex court n°ー14 qui devient le court 18), semi-enterré de 2200 places, les nouveaux courts 7 et 9 (1500 et 500 places), un village tout neuf construit à la place de l’ancien CNE (Centre National d’Entraînement), bâtiment qui accueillera aussi les arbitres et les ramasseurs de balles. Le bâtiment de l’Orangerie, dans les serres d’Auteuil, accueillera pour la première fois le tirage au sort et des opérations de RP, avant de recevoir du public en 2019. Je n’oublie pas les nouveaux sièges en bois du court Suzanne Lenglen. Le court Simonne-Mathieu est presque prêt même s’il ne sera pas opérationnel lors de cette édition. Et bien sûr en 2020, le court Philippe Chatrier aura son toit rétractable. Donc nous vivons effectivement une période particulière, intense mais exaltante.
Et sur le plan sportif ?
Même s’il a recommencé à jouer tardivement après l’Open d’Australie, Rafael Nadal va arriver à Paris avec le dossard de grandissime favori, il sera l’homme à battre. Car l’Espagnol vient de rejouer en Coupe Davis sur terre battue, en corrigeant Alexander Zverev, actuel n°ー4 mondial, que beaucoup d’observateurs annoncent comme le futur n°ー1. Ce qui montre que Rafa a encore de la marge et qu’il n’a pas besoin de beaucoup de matchs pour être compétitif. Les autres vont se battre pour aller en finale. Je pense à Juan-Martin Del Potro qui revient très bien, à Novak Djokovic qui vient de se remettre avec Marian Vajda son coach historique, à Stan Wawrinka. Car la nouvelle génération dont on parle depuis deux ans n’est pas encore à maturité.
Justement comment voyez-vous cette confrontation entre les générations ?
Ce qu’on oublie parfois c’est que la génération actuelle a gagné plus que n’importe quelle autre et sur une très longue période. Federer compte 20 titres du Grand Chelem, Nadal 16, Djokovic 12. Or si on regarde le palmarès sur les 50 dernières années, on voit que Lendl compte “seulement” 8 majeurs, Wilander ou McEnroe 7. Or ce sont des légendes du jeu ! Donc pour battre les champions actuels, il faut être au sommet de son art. Le décor est planté. Le message du Big Four ou du Big Five est clair : “Si vous voulez gagner un Grand Chelem, il va falloir nous battre !”.
Les Français risquent de démarrer le tournoi dans l’inconnu ?
Récemment Djokovic ou Wawrinka ont connu des blessures. Murray n’est plus sur le circuit. Car le tennis actuel est particulièrement exigeant sur le plan physique. Or les Français se retrouvent dans la même configuration, ils n’ont pas été épargnés par les blessures. Je pense à Tsonga, Monfils ou Gasquet. Donc lors de la saison sur terre-battue, à Monte-Carlo, Rome ou Madrid, on va voir s’ils sont prêts à jouer les trouble-fêtes à Roland-Garros. Mais encore une fois, hormis Nadal personne ne se détache vraiment. C’est peut-être la chance des Français. Gaテォl Monfils a souvent très bien joué à Paris et à Roland-Garros, donc il a une carte à jouer.
Quel regard portez-vous sur l’évolution du jeu ?
Depuis 10 ans environ, la violence des coups et la qualité physique sont primordiales. Donc ça n’est pas récent. Mais on voit aussi que Federer, dans un style finalement assez classique, avec une technique parfaite, un tennis varié, complet, inspiré parvient à se maintenir au top. Or ce type de jeu était déjà performant il y a 10 ans, 20 ans, 30 ans. Donc le joueur qui combinera la technique de Federer et le physique de Nadal aura de beaux jours devant lui (rires).
“LE PUBLIC VA AVOIR CETTE ANNÉE UN AVANT-GOÛT DE CE NOUVEAU ROLAND GARROS […] EN 2020 LE PHILIPPE CHATRIER AURA SON TOÎT RÉTRACTABLE”
On parle beaucoup de la réforme de la Coupe Davis. Qu’en pensez-vous ?
Je fais partie de cette ancienne génération qui a connu des matchs mythiques en cinq sets, de grands moments, donc j’y suis forcément attaché. Un autre projet va voir le jour car l’ITF a réfléchi à la manière de faire participer les meilleurs joueurs à cette compétition, coûte que coûte. Certains joueurs entendent réfléchir à des propositions alternatives, je crois que globalement ce sont eux qui ont les clés. En même temps, les quarts de finale Italie – France, ou Espagne – Allemagne disputés dans des ambiances formidables, avec un Rafael Nadal de retour, constituent la meilleure des réponses. La formule actuelle doit probablement évoluer mais dans quelles proportions ? Il y a aussi des considérations économiques qu’on ne peut pas balayer d’un revers de main. C’est un sujet complexe.
Qu’en est-il du tournoi de Bercy dont vous avez également la charge ?
Rolex a repris le flambeau de ce tournoi qui est deve”u en 2017 le “Rolex Paris Masters”, pour une durée de 10 ans. Je salue donc leur engagement à nos côtés. L’an dernier, nous avons encore accueilli 130 000 spectateurs, et ce malgré quelques absences. Mais cela arrive en fin de saison puisque Nadal, Djokovic et Murray ont déclaré forfait aux Masters de Londres, qui a donné une finale Goffin-Dimitrov. Donc en ces fins de saison il y a parfois un côté “passage de témoin” avec la nouvelle génération. Etre situé en fin de saison, avec un calendrier très chargé, peut engendrer quelques forfaits ou absences. Mais cette année on aura encore un plateau remarquable avec une majorité de membres du Top 10. Alors bien sûr, certains joueurs, comme Federer, ont tellement régalé le public que certains regrettent parfois leur absence, mais le spectacle reste au rendez-vous, l’ambiance si particulière aussi.
Vous êtes toujours ambassadeur de Lacoste ?
Oui, je suis ambassadeur de cette marque depuis très longtemps, d’autant que j’étais assez proche de René Lacoste. Désormais, je la représente sur des rendez-vous tennis ou golfs durant lesquels je suis ravi de porter le crocodile. Cette marque m’a toujours accompagné, j’ai l’impression de faire en quelque-sorte partie de cette famille. René Lacoste était un passionné qui a inventé une raquette en métal utilisée par Connors, j’ai moi-même gagné la Coupe Davis avec un modèle particulier (ndlr : l’Équijet, modèle inventé en 1988 par René Lacoste, une raquette alliant les avantages des petits et des grands tamis, en forme de violon). Le fait que Tecnifibre ait été racheté par Lacoste me semble relever d’une certaine logique car il s’agit d’une belle marque française, utilisée par des jeunes joueurs et joueuses prometteurs. Lacoste a envie de se moderniser avec des produits à la fois techniques et classiques. Alors Lacoste sortira-t-il à nouveau des cadres de raquettes sous son nom ? Je ne sais pas. Mais ce rapprochement a du sens.
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MEMBRE DU COJO PARIS 2024
Guy Forget a été choisi par Tony Estanguet pour intégrer le conseil d’administration du Cojo (Comité d’Organisation) des Jeux Olympiques de Paris 2024, tout comme Marie-José Perec, Martin Fourcade, la championne paralympique de 400 m Nantenin Keïta et la boxeuse Sarah Ourahmoune. «C’est une immense fierté d’avoir été désigné en tant qu’ancien athlète ayant participé à plusieurs JO, mais aussi en tant que directeur de tournoi. Avec les autres athlètes, on va se voir pour des sessions de travail, je vais aussi solliciter Martin Fourcade pour qu’il vienne me voir pendant Roland-Garros».